Grosse Allemande
Lorsque tu es née, déjà, tu avais cet air poupin, misérable. Tu avais les traits grossiers de ta grand-mère. Ta mère ne t'aimait pas et ton père t'ignorait. Tu es née dans ce pays que tout le monde déteste, le pays de la blondeur et de l'holocauste, ce pays maudit dont les enfants sont honteux, amalgamé à jamais à son Fürher, Hitler. La langue que tu parlais étais une langue violée. La folie psychopathe du petit homme fou, moustachu, et peu sûr de lui, avait su transformer ta belle langue de Goethe, en celle de la haine. Cette langue qui fait écho en nous comme un mauvais torrent, comme un bruit de tonnerre tétanisant, c'est elle que tu parlais avec amour, même si tu te sentais humiliée dès que tu la pratiquais dans un pays étrangé.
Tes grands parents maternels avaient tenu, pendant la guerre, une fabrique de papier pour emballer le pain. Ce n'était pas des gens mauvais, ils n'étaient pas gentils non plus, c'étaient des salauds moyens comme nous le sommes tous. Aussi, ont-ils engagé quelques juifs, pas mal de juifs à vrai dire, qu'ils exploitaient et qu'ils payaient moins chers. Comme on oublie souvent de le dire parce que c'est trop moche, parce que c'est trop terrible et parce que ce n'est pas comme ça qu'on aime se raconter l'Histoire, cette crapulerie de survie a pu sauver quelques-uns de ces juifs : tes grands-parents n'avaient aucun intérêt à les dénoncer, aucun intérêt à payer plus chers de bons allemands. Mais tout ça c'était de l'histoire ancienne lorsque tu es née, et on en parlait jamais.
Tu n'étais pas jolie. Tu n'étais pas très inventive. On te le disait. Parfois même on allait jusqu'à te le reprocher. Tu réussissais péniblement à l'école. Ton père avait l'air de souffrir beaucoup de ta bêtise. Pendant des années, tu as refais défiler en boucle cette image de lui qui plongeait la tête dans les mains, par exemple lorsque tu lui montrais tes nouvelles robes ou ton nouveau bulletin. Ta mère était cruelle avec toi. Elle jouait avec toi comme on joue avec un hochet. Elle se vengeait de tout le mal qu'on lui avait fait, ou pour être plus précise du mal que tu lui avais fait. Parce que tu as eu la mauvaise idée de ne pas venir tout de suite dans son ventre, d'arriver en seconde.
Avant toi, ta mère avait accouché d'un petit bébé quasi mort né. Il avait eu la bonne idée de s'étrangler avec le cordon. Son cerveau était tellement ravagé par la coupure d'oxygène, que le faire vivre, c'était le condamner au Handicap. Ton père a dit aux médecins de couper les machines. Ta mère a failli en mourir. Elle a un peu culpabilisé. Elle s'est dit qu'elle n'était pas assez bien, pas assez femme pour garder un bébé dans son ventre, et peut-être après tout, qu'elle avait raison. Ensuite, quelques temps après, tu es venue. "Tu " as été très attendue. En ce sens, tu étais un petit peu monstrueuse.
Mais tu n'as jamais été à la hauteur des espérances de personne. Tu n'as jamais été un petit garçon. Tu n'as jamais été non plus la première à venir. Ta vie se résumait à faire la course éternellement contre un mort, à faire la course inlassablement contre le gagnant, le champion toutes catégories à l'avance, tu étais le petit lièvre qui n'était pas parti à point, et tu avais beau courir, courir, cela ne servait qu'à t’essouffler un peu plus, à te fatiguer, à te faire perdre confiance en toi. Parfois, ta mère te faisait miroiter des victoires, mais jamais tu n'arrivais à la fin de la course, il y avait toujours une épreuve, toujours une bataille à remporter avant de mériter son amour, qu'elle disait pourtant éprouver pour toi.
Ta mère ne pouvait pas t'aimer tout-à-fait, comment l' aurait-elle pu? T'aimer tout-à-fait c'était admettre que ton grand-frère n'aurait pas dû exister, que sa mort avant la vie n'était pas si grave. L'aimer lui c'était ne pas avoir besoin de toi. Prise dans ce terrible paradoxe, ta mère a préféré se défouler sur toi. Elle n'était pas très maligne, et elle n'a jamais voulu consulter personne. Elle a préféré te faire souffrir sans s'en rendre compte. Elle a fait comme tous ces gens odieux, comme tout les cons: des abus abominables et scandaleux, honteux, mais avec assez de naïveté pour que personne n'ai jamais tout -à-fait le droit de leur faire un procès, avec assez de naïveté pour que, seuls les psys, dans l'ombre des divans, puissent dénoncer les injustices. Dans la société où nous vivons, personne n'a tout-fait le droit d'en vouloir à ta mère, sans être " un intolérant" sans te juger et te dire que tu n'as aucune indulgence, que tu cherches midi à quatorze heures, que tu coupes les cheveux en quatre.
De ta maladie d'amour, de ton besoin de reconnaissance, on en a même fait un problème psychiatrique, tu étais borderline, disait-on, anxio-dépressive pour d'autres, d'autres fois, tu étais " soupe au lait", " colérique". Les médecins ne voyaient pas à quel point la vie n'est ni organique, ni une maladie. A quel point c'est la violence intérieure qui nous fait nous lever, nous tenir debout, et marcher.
En grandissant, c'est contre ces connards que tu t'es érigée sans tout-à-fait le savoir. Tu ne supportais pas le mal qu'on pouvait faire avec la connerie humaine. Tu estimais, à raison, la faute de tes parents plus grave que celles de tes grands-parents, ceux qu'on se permet tant de juger aujourd'hui. Tes parents eux, n'ont pas connu la guerre, ils n'ont pas fait le mal pour survivre, mais par pure connerie, par lâcheté, par manque d’intérêt pour les choses de la vie. Ils ont fait une enfant et ils n'ont jamais été interrogés par le problème métaphysique que cela posait. Et aujourd'hui qu'on dénonce en toute bonne conscience les délateurs de juifs, les pédophiles et autres violeurs, tu te dis que si la faim est une excuse, la connerie, elle, n'en est pas une.
Donc tu as grandi. Tu as fait tant d'efforts. Pour plaire. Pour être regardée. Pour être aimée. Pour pouvoir te regarder dans la glace. Et voir quelque chose d'acceptable, de joli. Mais ta mère était si dure avec toi. Tu devais mériter de vivre. Elle a été cruelle. Tu n'avais accès à rien. Tu étais là pour la satisfaire, pour satisfaire ces immondes désirs maternels puants, de chairs contre chairs, de fusions réciproques. Et quand elle en avait assez, et quand elle était rassurée, elle te jetait, car ça la rassurait aussi. Elle avait l'illusion de garder le contrôle, de ne pas trop avoir besoin de toi. Cette salope femelle t'entretenait dans la dépendance. Au fond, tes échecs étaient sa gloire et il ne fallait pas que tu réussisses trop bien. Il ne fallait pas que tu lui fasses " de l'ombre".
Les garçons, eux non plus, ne daignaient pas te regarder. Pour être regardée il fallait être mince. Pour être mince il ne fallait pas s'empiffrer, pour ne pas s'empiffrer il fallait avoir du caractère; tu étais une nulle! Pour eux non plus tu n'étais pas assez bien, tu étais trop ce ceci, pas assez cela; ils ne voulaient pas te baiser. Mais toi tu en avais terriblement envie. Tu voulais être désirée.Tu avais envie d'être dans la danse, d'être dans le jeu. Tu avais envie d'être acceptée quelque part. Etre baisée, être désirée, être pénétrée par la violence, c'était être aimée. Alors pour être aimée, tu disais oui à n'importe qui, et n'importe comment. Et tu as aimé ça, et tu y as pris goût. Alors ton père libidineux t'a traitée de salope. Il a dit que tu n'avais aucune dignité.
Il n'y a pas longtemps, tu t'es offert un voyage, un beau voyage au club Med. Et il y a un type comme ça, qui t'a excitée. Il t'a regardée. Il t'a matée. Il t'a un peu touché l'air de rien. Il t'a rendu folle de désir. Tu le connais bien, ce désir tellement fort, tellement puissant, que tu le confonds presque avec de l'amour. Mais qu'est-ce que c'est drôle une grosse allemande qui transpire, et qui a envie de se faire mettre, hein? Qu'est-ce que c'est ridicule! Rien à voir avec une Claudia Chiffer de papier glacée... Tu t'es dit Que faire, il m'allume et il rigole. Et tu t'es sentie blessée comme un cheval. Alors tu t'es dit, Je vais le punir. Je suis assez grosse pour cela, il va le regretter. Je vais faire comme les hommes. Je vais prendre le pouvoir. Je vais assouvir ma pulsion, le prendre, l'utiliser, et le jeter comme une couche pleine de merde. Je vais l'humilier pour qu'il crève. A mon tour.
Tu n'en pouvais plus de ton excitation. "On ne joue pas impunément avec un corps innocent". Tu l'as plaquée contre le sol, et vous vous êtes battu. Tu pensais le branler de force. Tu pensais l'immobiliser, l'attacher, et le sucer. Tu te serais assise sur lui, et tu l'aurais chevauché jusqu'à qu'il jouisse à l'intérieur de toi et qu'il s'en veuille toute sa vie. Mais il a gagné. Il s'est dégagée de ta grosse masse de graisse, ce con. Lui qui était si chétif, pourtant. Il n'a même pas eu l'élégance de te frapper un peu, de te battre. Il s'est juste contenter de s'en sortir. Puis il est parti.
Tu es resté avec ton amour, ton excitation, et ton désir de baiser, de vivre, vibrants à l'intérieur de ton ventre. Ta chatte battait la chamade de souffrance. Elle était rouge, par endroit violacée, tu sentais ton afflux sanguin rythmer les battements de ton coeur à l'intérieur, et tu aurais fait n'importe quoi, pour avoir un orgasme. Tu étais en enfer. Tu ne voulais plus jamais y rester. Tu es rentrée dans ta chambre. Tu t'es masturbée, tu as joui. Quand tu as eu fini, tu as trouvé le courage de te pendre.
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