La dernière nuit d'Anna
Dans ses yeux bleus délavés, je pouvais voir l'innocence des yeux de ma mère. Ils étaient si beaux, si purs, si ciel....jamais je n'aurais pu vouloir de mal à cette jeune fille dont un serre tête- auréolait gentiment le crâne. Je me suis approché d'elle dans le parking près du centre commercial, à deux pas du Texas grill d'où elle sortait pour fumer une cigarette. Je ne trouvais pas que c'était une bonne chose que cette fille dont je voulais connaître le nom fume une cigarette. Il me semblait que ce n'était pas la première cigarette que cette jeune fille fumait, car à être près d'elle et pour avoir respiré tous les parfums de maman, pour avoir appris à être attentif aux odeurs affolantes des femelles, je pouvais déceler la nicotine infiltrée dans les fibres de son T-shirt, chimiquement lovés à ses cheveux et à une étrange eau de toilette enfantine, qui faisait de la nicotine une odeur presque agréable. Ce mélange particulier était devenu son odeur à elle, qui m'excitait déjà tant. Je ne lui voulais aucun mal, d'ailleurs je ne voulais que du bien à cette fille-là.... Elle avait, c'est vrai, le corps d'une putain. Les seins arrogants d'une petite femme, le cul insolent d'une black. Mais elle avait ces yeux, ces yeux... Ce minois de petit chat perdu, étonné et apeuré au milieu de son nouvel environnement, craintif au sein de sa nouvelle famille dont chaque membre veut lui caresser le dos. Ce visage tranchait tellement avec son corps tout en vulve.
Je me suis approché d'elle et lui ai fait un compliment pour ses yeux. Elle n'a pas eu l'air gêné alors j'ai continué, je lui ai dit qu'elle semblait fatigué, qu'au fond par ses yeux-là il me semblait qu'elle criait qu'elle cherchait quelque chose. Mais je ne lui ai pas dit que ce quelque chose, je croyais être le seul à pouvoir lui donner.
Elle ne daigna pas tout de suite me répondre. Au bout de quelques temps, pourtant ,elle me confia:
- Je suis allé manger de la viande avec mon petit copain.
Cette phrase ne m'impressionna pas du tout. C'est une phrase classique, celle que disent toutes les femmes qui ont quelque chose à se reprocher. Toutes les femelles mettent toujours en avant leurs petits copains absents dès qu'elles se sentent piégées brusquement par leur attirance pour un illustre inconnu. Elles n'en n'ont pas conscience, mais mettre en avant le petit copain n'est pas tant dit pour avertir le dragueur lourd que pour se dédouaner d' elles-mêmes. Cet aveu me fit même un peu plaisir.
- Ah bon, lui ai-je rétorqué, ton petit copain et toi vous aimez la viande?
- Oui m'a-t-elle dit, enfin moi j'aime beaucoup la viande parce que j'aime tout. Mais mon petit copain n'aime pas la salade et aime la viande à volonté.
Il y avait une sorte de vide dans sa vie. A cause de cela, elle n'avait aucune conversation. Cette jeune fille s'ennuyait beaucoup.
- Moi aussi j'aime beaucoup la viande, lui dis-je... Ton petit copain est-il d'accord pour que tu fumes?
Elle me répondit:
-Non, il dit que c'est mauvais pour la santé. Nous nous sommes déjà disputés parce qu'il avait caché mon paquet de cigarettes à une heure où tous les night shop sont fermés, et j'ai failli péter un plomb et le quitter, juste pour ça.
-Quitter ton petit copain pour une cigarette, ce n'est pas bien, dis-je.
Elle aspira un grand coup à sa cigarette et me répondit:
-C'est une dépendance, une très forte dépendance, et on ne joue pas avec la dépendance de quelqu'un.
Puis elle jeta son mégot par terre et son regard si bleu devint presque noir:
-Parfois, je me dis qu'il est sadique.
Cette jeune fille dont je ne connaissais pas le nom avait eu de sales histoires avec les hommes, elle semblait malheureuse. Son regard se tourna en direction d'une gigantesque 4X4.
-Je n'aime pas laisser Nestor seul dans la voiture en plein été, ce chien va devenir fou. Et vous? Etes-vous à la recherche de quelque chose? Vous ne fumez pas? Que faîtes-vous sur ce parking?
-A vrai dire, décidais-je de lui avouer, j'ai rendez-vous quelque part: chez ma sexologue. Cela peut sembler fou, mais je ne trouve plus le chemin pour y arriver. J'ai rendez-vous ce soir et je suis en route depuis hier matin. Il me semble que toutes les routes se sont liguées contre moi pour m'empêcher d'arriver à ma destination , il me semble être à l'intérieur d'un labyrinthe... J'essaie d'appeler ma sexologue pour qu'elle m'explique le chemin et me rappelle son adresse, mais je ne me rappelle jamais du numéro... Il me manque toujours les deux derniers chiffres. Quand je réussis enfin à composer le bon, ça sonne occupé. Il n'y a qu'ici, dans ce parking, à deux pas du Texas grill que je me sente bien. Je sais bien que je suis au milieu de nulle part, mais c'est ici le seul endroit que je reconnais à peu près.
- Une sexologue? C'est bizarre, dit-elle, vous avez des problèmes pour....
- Oui ,dis-je alors, je suis un impuissant. J'ai... de gros problèmes avec les femmes.
- Quels genres de problèmes? Les femmes vous font peur?
- Oui, c'est ça, parfois elles me font peur...
-Moi aussi, les hommes me fonts peur, parfois.
XXX
C'est elle qui me l'a proposé. Un rendez-vous chez moi, le lendemain. Je n'avais qu'à lui donner mon adresse, mieux: elle allait me raccompagner chez moi dans sa 4X4.
" - Oublie ton inaccessible sexologue, m'avait-elle dit... Avec moi tu vas bander. J'ai ce qu'il faut pour ça.
- Et ton ami alors?
- Il faut que je l'oublie aussi... Ce connard n'aime que lui-même et la viande. Il n'a jamais fait attention à Nestor.
Durant tout le trajet, ce maudit chien n'a pas cessé d'aboyer, c'était un immonde doberman tout bavant et baveux à qui seule une fille perdue comme elle aurait pu s'attacher. Elle m'a déposé chez moi et m'a promis de revenir le lendemain soir. Ses beaux yeux bleus m'ont regardé longuement, et eux et moi nous nous sommes compris. "Dis-moi juste ton nom", pensais-je.
-Dis-moi juste ton nom.
- Anna.
Le lendemain, le lit était prêt pour Anna. J'avais passé les draps à la lessive, comme du temps où maman était vivante.Anna avait apporté deux paquets de cigarettes avec elle. Anna s'est couché dans le grand lit... " Je voudrais découper tes vêtements avec une paire de ciseaux comme dans mes films préférés, lui avais-je dit. Cela avait fait rire Anna. J'avais acheté une paire de menottes que j'avais accrochées aux barreaux du lit, et elle s'est laissé faire. En moins de deux minutes, j'ai vu cette jeune fille que je devais appeler "Anna" menottée au lit de l'inconnu que j'étais pour elle. Je ne crois pas qu'on fasse cela par innocence, monsieur le juge, ni par candeur. Anna était une biche qui attendait son chasseur, et je voyais bien dans ses yeux bleus cet appel qui disait Achève-moi. Lorsqu'elle a vu les ciseaux s'approcher d'elle, Anna n'a pas pris peur car elle s'était préparé à une toute autre situation. C'est quand je les lui ai plantés une première fois dans la corps qu'elle a fait une autre tête, elle semblait alors être surprise et apeurée comme les enfants qui devant la piqûre ne veulent plus comprendre que c'est pour leur bien. Je lui ai balancé un grand coup sur le crâne et elle s'est endormie brusquement. J'ai pu l'achever à ma guise, sans lui faire aucun mal, sans la faire souffrir, en libérant son beau corps de tous les maux de l'enfance. Son corps... Il était magnifique, parsemé où je le voulais d'entailles, le sang se répandant en croûtes de toutes les couleurs un peu partout. Sa bouche s'était entrouverte et par delà la mort, son regard absent me fixait étrangement et je pourrais jurer qu'il me disait Merci.
Après avoir fait tout ce que je voulais d'elle, je me suis saisi d'un de ces paquets de cigarettes et m'en suis allumé une. Depuis le décès de ma mère je m'étais arrêté de fumer, cela faisait 5 ans. Dès la première aspiration j'ai tout de suite senti ce mini-shoot particulier de la première taffe me réconcilier avec la barrière qu'il faut franchir pour passer outre-tombe. La barrière était de nouveau là, familière, amicale, je pouvais la visualiser. Mes derniers mots pour Anna ont été:
- Merci Anna, tu avais raison, car ce soir j'ai bandé.
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