Le blog de Petite Pépée

Le blog de Petite Pépée

Textes/nouvelles


Pourquoi pas l'art-thérapie ?

Parce que je ne sais pas dessiner. Parce que rien de créatif ni rien de coloré ne pourra sortir de ce qui m'a détruite. Parce que je ne veux pas que ce qui m'a détruite devienne création ou couleurs. Parce que je ne veux pas donner la joie des couleurs par ce qui m'a détruite, parce que ma rage est noire et qu'il n'y pas de place pour ce bleu que tu voudrais que je trace comme une trace de ciel épars, éclair d'espérance traversant la nuit blanche des nuages,  annonçant dans le fracas de l'horizon un peu d'espoir.

Parce que l'espace de ma tête où les mots défilent à la vitesse de la lumière, explosant le cadre, me convient parfaitement, parce que les mots avec leur surface lisse et plane comprenant pourtant en elle toutes les dimensions en diront toujours plus que ce que je pourrais dire avec un pinceau. Parce que je ne crois pas en l'exposition de la matière et puis parce que je veux être bien sûre qu'on me comprenne, ma souffrance n'a pas de place pour l'allégorie.

 

Parce que ce qui est fait pour s'exprimer uniquement ne saurait s'appelait " art ", parce que l'art est un art, comme la médecine, l'art est un art dont il faut connaître les codes et les règles , parce que je refuse le chaos des couleurs sans art et sans code et parce que je refuse qu'on appelle les balbutiements de mes émotions articulées en couleurs : de l'art. Au nom des artistes je refuse qu'on le fasse.

 

Parce que l'art, le vrai, a un prix, parce qu'il n'est jamais gratuit, parce que rien n'est gratuit dans les entrechats de la danseuse, parce que l'art nous permet autant de tenir le coup qu'il nous enfonce, qu'il nous enterre, parce que l'art a traversé Van Gogh, parce que Van Gogh ne cherchait pas à s'exprimer mais à rendre les couleurs des tulipes, parce que l'art et la thérapie sont antinomiques. Parce que l'art est un cadeau à l'humanité, un sacrifice, un chemin de croix, parce qu'Artaud était fou, la mère de Bataille l'incestait et que l' art ne les a pas sauvés, parce que Maria Callas est morte seule, le visage légèrement bleuté par la tristesse de son cœur. Parce qu'elle a donné sa vie pour Norma, Tosca, Violetta. Et toi, tu voudrais que je trempe mes doigts dans le jaune et qu'on appelle ça de l'art ?

 

Parce que l'art a trop d'importance à mes yeux pour qu'on me propose d'en faire comme on ferait du crochet dans une maison de repos. 

 

Parce que je te propose de parler et tu me réponds " Thérapie ". Parce que je te propose de parler, et que tu fais comme si on ne pouvait que " répondre ". Parce que pour toi parler d'un problème c'est parler de son expérience personnelle. Parce que pour toi parler d'un problème ce n'est pas essayer de le comprendre mais essayer d'y apporter une solution. Parce que pour toi y apporter une solution c'est punir les coupables, et puis parce que tu dénies la responsabilité collective,  tu préfères diviser le monde en deux catégories : les gentils et les méchants. Les victimes et les bourreaux, comme si les victimes ne devenaient jamais bourreaux, et puis comme si les enfants des voisins n'existaient pas. Tu n'es pas responsable des enfants des voisins, toi ? Tu n'es pas responsable de la mémoire du petit Aylan ? Tu démissionnes ? Tu as déjà donné me dis-tu, j'irai donc me faire foutre avec ma " responsabilité collective ".

 

Parce que tu crois que la honte est un objet qui se déplace, qu'il y a des personnes faites exprès pour la porter, et que ces personnes sont nos bourreaux. Parce que tu ne comprends pas que ma honte est bien à moi, elle est logée en mon corps comme un petit animal que je nourris, parce que je la porte pour ne la faire porter à personne, parce qui serais-je si je n'avais pas honte ? Honte de moi, honte pour l'échec de l'humanité, honte comme une pomme croquée, centrée sur mon macintosh. Une honte comme un péché originel . Parce que qui aujourd'hui peut regarder le monde sans avoir honte ? Parce que ma honte je la porte en moi et que c'est elle qui me rend ma dignité, parce que ma honte ne fait pas de moi la coupable mais que si l'autre est incapable de la porter, il faut bien que quelqu'un le fasse, et cette personne c'est moi, parce que ma honte j'en ferai quelque chose et ce sera écrire sûrement, ou pourquoi pas aimer. Parce que tu crois que dessiner va me faire sortir de ma honte, parce que tu crois que la honte peut se dire, s'écrire, se dessiner, se peindre et que je crois qu'elle ne peut que se porter, s'éprouver, parce que tu ne me comprends pas, tu me prends pour une masochiste, tu me prends pour quelqu'un qui ne va pas bien, parce que pour toi " la honte doit changer de camps " alors que la honte n'a pas de camps, elle est insaisissable.

 

Parce que la vie ce n'est pas des campagnes publicitaires, parce que la vie ce n'est pas une campagne de sensibilisation, une Inceste pride, parce que la fierté n'a rien à voir avec la honte et que crois-tu, que chaque année il nous faudra plus de victimes d'inceste pour défiler, pour être de plus en plus fier, pour que la fierté des victimes déborde sur la place publique et qu'il en faille encore, toujours plus, plus de victimes pour rendre le problème visible, pour que l'Inceste pride ait de plus en plus de succès, comme les restaurants du cœur ? 

 

Parce que je propose de parler et que tu me réponds  : Lacan, Freud, Dolto ! Parce que Lacan, Freud, Dolto ont échoué à te guérir, ils t'ont enfoncée, tout est donc de leur faute. Parce que tu crois que Lacan, Freud Dolto sont la société, et que pour moi la société c'est personne, je veux dire personne en particulier, la société c'est personne donc c'est tout le monde et quand je te propose de réfléchir bien-sûr que c'est aussi sur toi que je propose de réfléchir. Mais tu préfères me parler de : thérapie, punition, statistique, Justice. Tu n'as pas posé la définition du problème que tu cherches déjà à le solutionner, comme si solutionner TON problème, c'était solutionner LE problème, et puis c'est moi qu'on traitera de fataliste.

 

Parce que je ne veux pas de " thérapie". Parce que j'aime trop l'art. Parce que je veux que ça ne recommence plus et que je veux réfléchir le problème en amont, parce que je suis responsable, actrice de ma société, et que ma vie ne se résume pas à l'étau étroit de mon corps ou de ma cellule familiale. Pour toutes ces raisons, je refuse l'art-thérapie.

 

 

 


11/09/2015
0 Poster un commentaire

Toi ( 5 )

Il faut bien l'avouer, les choses ont commencé à être encore plus compliquées entre nous à partir du moment où je t'ai voulu dans mon ventre. Avant cela, tu n'étais qu'un garçon que j'avais aimé, sans doute le premier, le premier à m'avoir regardée alors que j'avais 15 ans et à m'avoir signifié j'étais une femme. D'ailleurs si je tiens encore tellement à toi, si je tiens à toi par delà les années, c'est sans doute que je suis née femme grâce à toi, à 15 ans. A quinze je suis sortie de ta côte, à 15 ans je suis née et ni toi ni moi nous en sommes rendus compte. Lorsque j'avais 15 ans tu étais mon Dieu et ne voulant pas me chasser du paradis, tu le fis. Tu me chassas de ton Eden et me condamnas à rester vierge jusqu'à mes 17 ans. Ensuite, lorsque tu m'es revenu, j'en avais 18.

 

Je n'étais plus tout-à-fait cette femme que tu avais connue car mon hymen était tranché, mon ventre n'était plus un continent à conquérir, d'autres que toi y était allé. Aujourd'hui je me demande si en apprenant que tu n'as pas été le premier tu as regretté de ne pas m'avoir connue plus tôt bibliquement parlant... En tout cas lorsque je te l'ai annoncé tu m'as raccompagnée chez moi sans mot dire, cela  signifiait que tu étais fâché. Quelques jours après tu est revenu.  Je suis descendue en bas de l'immeuble et tu m'as dit qu'on allait faire un tour ; tu avais un cadeau à m'offrir. Il faisait froid, c'était l'hiver, bientôt ce serait la nouvelle année. Nous sommes allés dans un petit parc, et là, de la manche de ton gros manteau tu as sorti une peluche : c'était un petit lapin blanc, la seule peluche que tu avais chez toi m'avais-tu raconté. Tu l'avais gagné un jour à la foire du midi et tu me l'offrais. Je t'ai demandé comment le lapin s'appelait et tu m'as dit que tu ne savais pas, que d'ailleurs tu t'étais demandé si c'était un lapin ou une lapine parce qu'il avait un petit pantalon dont les couleurs et les motifs t'évoquais plutôt la féminité. Je t'ai alors répondu que peut-être c'était un lapin transexuel et tu as rigolé. J'étais contente de ton cadeau car tu me donnais vraiment quelque chose de toi, ce que tu n'avais jamais voulu faire avant.

 

Avant tu ne m'avais jamais rien donné de toi sinon ton image d'Homme innacessible qui m'avait un jour regardée. Je ne savais pas où tu habitais, je ne connaissais pas ton nom de famille, tu ne me donnais rien même pas rendez-vous : tu venais sonner à mon immeuble lorsque ça te chantait et moi j'étais capable de t'attendre des jours et des jours, c'est-à-dire plus précisément que j'en étais incapable et je n'avais que toi à la bouche, M'a-t-il oubliée, Ne m'aime-t-il plus , Va-t-il revenir, Pense-t-il  à moi ? Et puis j'ai fait comme l'a chanté Barbara : Si tu ne comprends pas qu'il te faut revenir/Je ferai de nous deux mes plus beaux souvenirs/ Je reprendrai la route, le monde et mes merveilles, j'irai me réchauffer à un autre soleil/ Je ne suis pas de celles qui meurent de chagrin/Je n'ai pas la vertu des femmes de marin.

Non c'est vrai je n'en n'avais pas la vertu, d'ailleurs quelle autre vertu ai-je jamais eue sinon cet hymen qu'ont possédé toutes les autres ? Je suis retournée chez mes parents avec notre petit lapin dans les bras et avant de rentrer chez moi je t'ai demandé si un jour je verrais ta maison, si je verrais la chambre où tu dormais, si je pourrais rencontrer ta mère. Tu m'as promis que oui, et tu m'as dit que tu avais un ami chez qui nous pourrions passer quelques soirées. Je n'avais pas compris que tu voulais dire par là que puisque je n'étais plus vierge tu voulais pourquoi pas en profiter, maintenant tu voulais bien faire l'amour avec moi.

 

***

 

Ton ami avait un bel appartement signifiant qu'il était riche, cela m'avait étonnée que tu connaisses quelqu'un de riche. Ce qui m'avait plu c'était l'aspect tamisé de cet appartement, il y avait plein de petites lumières partout faisant des pieds de nez à l'obscurité, ne renvoyant que le meilleur de nous-mêmes et de nos corps, des petites couleurs pastels bleues, vertes, violettes, mais pas d'ampoule jaune à nu annonçant le pire, éclairant la crasse et la graisse. J'étais étonnée aussi que tu connaisses un belge dont le prénom avait des consonnances allemandes , je pensais que tous tes copains auraient des prénoms à consonnances  maghrébines, africaines, turques. Ton ami roulait des joints mais tu ne voulais pas que je fume, pourtant je t'avais dit que j'avais déjà fumé, mais tu t'étais mis dans la tête que tu pouvais à la fois fumer devant moi et me faire la morale. Toute la soirée je l'ai passée sagement dans le grand canapé à baver sur ce joint que tu faisais tourner entre lui et toi, moi j'accrochais mes narines à la fumée espérant me stoner un peu. Puis tu as demandé à ton ami de sortir et pour la première tu m'as embrassée.

 

Nous étions allongés dans le divan, au début tu n'étais pas content de ma façon d'embrasser, tu croyais même que je t'avais menti : je ne connaissais rien à l'amour. Tu me disais " Donne ta langue, donne ta langue ", et je te répondais en riant que je la donnais, ma langue, mais tu me fis vite comprendre que je ne te donnais rien. Il me fallut faire un effort et ouvrir grand mes lèvres, tendre ma langue jusqu'au bout, jusqu'à en avoir un peu mal et laisser la tienne s'enrouler autour pour la soulever, l'arracher un peu. Avec toi j'ai appris le baiser profond, après toi je ne pourrais plus jamais embrasser comme avant. Je te demandai alors si ça te plaisait mieux  comme ça, et tu me dit " C'est parfait ".

 

La façon dont tu m'embrassais laissait présager de la façon dont plus tard tu me ferais l'amour : toujours un peu brutal, toujours en m'empoignant, toujours dur, sec, fort, vite, violemment, alors que tous les autres garçons avaient passé leur temps à me caresser pour me faire monter, à me lécher le clitoris et le bout des seins, jamais tu ne t'encombrerais de ses détails pour me montrer que tu m'aimais, pour  me faire sentir que tu t'occuperais de moi, toujours tu me donnerais directement et immédiatement le meilleur de ton être au dedans de moi, le meilleur de ton âme et de ta force en me compressant, en me rendant comme une petite poupée de chiffon dans tes bras. Mais ce soir-là chez ton ami ce n'est pas ce qui s'est passé car j'avais pris peur. Toi qui passais ton temps à insulter toutes les femmes, qui n'avais pas voulu m'avilir lorsque j'étais encore vierge, tu me demandas si je voulais coucher avec toi, et pour me rendre respectable à tes yeux  j'ai prononcé ces mots : " Qui me dit, si je couche avec toi , que je te reverrai demain ? " Lorsque tu entendis ces mots tu as eusune réaction que je n'aurais jamais attendue de toi : tu m'es mis à pleurer dans mes bras.

 

La semaine suivante, nous nous étions donné rendez-vous chez ton ami pour fêter la nouvelle année ensemble. Je t'ai attendu toute la soirée. Je n'avais pas couché avec toi,  j'avais tenu bon , je n'étais pas une fille facile. Mais je m'étais trompée : ce soir-là tu m'avais vraiment voulue, et je t'avais une nouvelle fois trahi. Et à minuit, tu n'es pas venu.

 

***


05/09/2015
0 Poster un commentaire

Toi ( 4 )

Un  soir,  nous nous sommes violemment disputés parce que je refusais de me regarder dans le miroir. A ce moment de ma vie je ne pouvais affronter le reflet de ce que je supposais être ma laideur mais au lieu de prendre mon refus de m'affronter en face pour un complexe, tu as supposé que j'évitais d'affronter le souvenir d'une faute cachée.

 

- Qu'est-ce que tu as fait pour ne pas pouvoir te regarder en face ?, me disais-tu. Tu te mettais alors dans mon dos et de tes deux mains tu agrippais le haut de ma tête pour me caler devant le miroir.

- Regarde -toiiiii !

 

Et comme je ne pouvais pas répondre, je te répondais en fermant les yeux. Cela te rendait fou. J'étais dans l'incapacité totale de me regarder, à ce moment l'image que tu me renvoyais de moi était mon seul miroir, et cela me suffisait. Dommage que je n'ai pu te l'expliquer. C'est que moi-même je ne m'en rendais pas compte. Il m'aura fallu toutes ces années de séparation pour comprendre que je refusais de vivre par moi-même et que je préférais m'en référer à toi, m'aliéner à ton regard. Pendant que nous étions ensemble, au fil des années, j'ai  petit à petit perdu mon point de vue sur le monde, et il me semblait que tout ce que je voyais je le voyais à travers tes yeux. Je n'arrivais plus à me défaire de ce regard que tu portais sur le monde et en particulier sur les femmes. En voyant le monde par tes yeux  il me semblait avoir le regard universel, c'est-à-dire celui de l'Homme au sens au fort du terme, celui qui porte une queue et qui décide, je veux dire l'Homme au sens de tous ceux qui nous ont précédé en leur qualité d'hommes : la lignée à l'envers de tous nos patriarches jusqu'au très décrié " Ben Laden ".  Je me mis donc à juger le physique des femmes mais aussi la manière qu'elles avaient de s'exposer sur les affiches publicitaires, à la télévision, je jugeais aussi toutes celles que je voyais dans la rue. Je me mis donc, plus qu'à comprendre ta haine des femmes, à l'éprouver moi aussi, et cette haine me faisait peur. Aliénée ainsi volontairement à ton regard, réussissant à voir par tes yeux, j'espérais je crois échapper à la règle, j'espérais en étant d'accord avec toi que tu m'aimerais en tant que femme puisque j'étais une femme qui se détestait. Mais cette opération de l'esprit était peine perdue, oui, elle n'a servie qu'à nous perdre un peu plus tous les deux.

 

S'il est possible de vivre l'aberration d'être une femme en les détestant toutes, il est impossible d'être une femme et d'échapper à son corps, et ce corps tu l'aimais autant que tu le haïssais. Pour nous deux mon corps était une tentation sortie tout droit du champs d'Eden, il était ce qui nous reliait mais aussi ce qui nous séparait inexorablement. Il était l' objet de toutes les folies et de toutes les haines. Dans notre histoire mon corps était en trop mais il était le seul biais par lequel nous pouvions nous rapprocher l'un de l'autre. Aussi mon corps était l'objet de ma scission interne, et cela expliquait pourquoi il m'était impossible de me regarder dans le miroir. Lorsque je me voyais je cessais de me voir, mon identité  propre se dérobait à moi pour me laisser une femme sans identité, une femme parmi d'autres qui n'était qu'une femme, un objet à juger, et cette femme était pâle, elle n'avait pas l'air d'aller très bien. Le regard ébahi, absent et malheureux, elle me regardait sans que je puisse lui tendre la main. Lorsque je me voyais j'avais l'impression de ne plus avoir d'ombre et donc je fermais les yeux pour me recentrer sur l'intégrité physique de mon corps, pour essayer d'avoir la sensation d'exister. 

 

- Qu'est-ce que tu as fait pour ne pas pouvoir te regarder en face !

 

Je n'avais rien fait, enfin pas moi à proprement parler, mais au fond j'étais une femme et c'était horrible. Voir une femme à travers les yeux d'un homme, les tiens mais aussi toute une foule d'homme dont mon père, c'est terrible.

 

Ce soir-là tu n'as pas réussi à me faire regarder dans la glace, enfin pas longtemps, juste le temps que je saisisse mon point de fuite vers l'abîme, ensuite je t'ai demandé de m'emmener loin, très loin, je voulais dire très loin de mon corps mais tu ne l'a pas compris ou à moitié : ce soir là tu m'as donné deux petite pilules effervescentes que je pouvais soit diluer dans de l'eau ou bien avaler tout de suite comme on plonge tête la première et j'ai choisi la première solution. Lentement je voyais les petites pilules se désintégrer dans l'eau en criant le petit bruit effervescents  de leur mort, comme le bruit de l'eau qui bouillerait à l'envers. J'ai ensuite tout avalé d'un trait, et nous sommes partis en voiture.

 

Dans la voiture  je commençais d'être bien, bercée par tes pilules, par l'odeur douce de ton joint et par la musique que tu mettais. Nous avons longtemps roulé dans la ville puis tu as décidé de prendre l'autoroute et de rouler; rouler. En entendant  le morceau de rap " demain c'est loin " on peut dire que je planais. Tu me regardais doucement, en souriant, j'étais la plus belle, la plus aimée, la plus femme. J'étais bien. Ce soir-là tu m'as emmené très loin.

 

***

Ensuite tu as fait revenir la voiture sur nos pas, tu t'es arrêté dans un petit cul de sac, une petite voie sans issue près d'un car wash nommé L'éléphant bleu où nous avons écouter Mylène Farmer nous chanter qu'elle était un garçon, puis qu'elle était libertine, c'était une catin. Mylène Farmer semblait tout chanter de notre histoire, c'était une chanteuse qui nous mettait d'accord. Tu as agrippé mes cheveux et par mon visage tu m'as attiré vers ta braguette, que j'ai ouverte tout de suite. Tu as baissé ton slip et j'ai jeté ma bouche sur ton beau sexe circoncis, sans odeur... Je me souviens bien que j'aimais beaucoup te sucer, que j'aimais sentir ton sexe grandir dans ma bouche, ton gland à nu et rêche se frotter contre mes joues. J'aimais beaucoup cela, avoir ta queue dans ma bouche me comblait,  je crois que je me sentais biberonnée par ton sexe et par ta main à la fois douce et violente dans mes cheveux, contrôlant mon crâne ou mon cou que tu dirigeais. Par une simple pression tu m'indiquait combien  ma bouche devait engloutir ton sexe jusqu'à la  gorge, quelques secondes seulement où je me retenais de respirer. Je me sentais aimée comme jamais dès qu'il s'agissait de moi et de ton sexe, et d'ailleurs tu le savais bien : lorsque je t'ai quitté pour la dernière fois tu m'as dit : " Ce que tu as connu avec moi tu ne le connaîtra jamais plus ". Cette phrase, tu me l'avais dite cent fois avant notre rupture finale, avec d'autres mots, sur tous les tons, en parlant d'autres femmes et d'autres hommes mais qu'importe ;  tu t'adressais toujours à moi en parlant des femmes et tu parlais toujours de toi en parlant des hommes.

 

Ensuite je me suis assise sur toi, tes mains empoignaient mes hanches, mon dos se frottait contre le volant et ça me faisait mal alors tu t'es penché, tu as pris un petit coussin que tu as pris soin de placer entre ton volant et moi, je me sentais si bien, je me disais que je t'aimais. Après que tu sois venu en mon moi je t'ai demandé de rester assise sur toi, je trouvais cela romantique, nous avons fumé une cigarette ensemble ainsi, dans l'illusion de la passion charnelle refroidie. Puis nous sommes rentrés chez nous, enfin chez ce qui est un semblant de chez nous, fuyant le petit jour. Tous les deux nous détestions le petit jour. 

 


04/09/2015
0 Poster un commentaire

V.

 

De l'apprentissage du sport, je n'ai rien à  dire sinon que j'y ai appris la peur, surtout pour le karaté. Il me semble que, par le dénuement de mon corps de petite fille endimanchée dans son kimono de karaté  je n'ai appris qu'à  fuir et à me  réfugier sous les couettes. Il me semble qu'à m'être frottée de près dès le plus jeunes âge aux corps de jeunes adolescents m'a fait précocément développer un  attrait pour tout ce qui plus tard pourrait m'agresser. A bien y réfléchir, je peux faire remonter la plupart de mes problèmes avec les hommes à ces cours de karatés, où sans doute, désirer ceux qui me menaçaient m'a permis de sublimer mes peurs Il me semble aussi que si par le passé j'ai  choisi des " mauvais garçons", jeter un sort à tous ces lundi soir qui remplaçaient mon tutu de danseuse par un kimono de petit garçon. Car mon père , je l'ai dit, me faisait faire du karaté pour m'apprendre à me défendre. Sans doute mon père se disait-il que tous les hommes ne pourraient pas aussi bien que lui mettre  à distance leur pulsion pour en jouir en différé devant une photographie. Il craignait pour moi ce qu'il désirait des femmes, mais n'a pas su me protéger de son regard à lui.

 

 

***

 

Ce jour-là, il m'a laissé entrer dans le salon qui s'était transformé pour l'occasion en studio. V., la femme de mon professeur de karaté était nue. Je me rappelle de ses seins tombant légèrement et de son incroyable beauté. Ces cheveux étaient teints d'un blond doré qui illuminait sa tête de manière christique . J'avais été poussée par la curiosité de voir mon père photographier une femme nue mais je me souviens que j'étais un peu étonnée que ce soit V.

 

***


J'étais assise à la table du salon, à la place où je mangeais d'habitude. Comme toile de fond de la photographie, il y avait , en présage  d'une mort prochaine, le couvre-lit de la chambre parentale. Il était là comme un linceul derrière Valérie, l'enveloppant elle qui laissait éclater comme la mort sa sexualité. A force d'exhiber son corps, V. pour moi ce jour-là en avait oublié d'être une mère, elle avait oublié que son corps n'était pas juste fait pour aguicher les hommes, mais aussi pour serrer contre elle une enfant. Aujourd'hui, je ne lui en veux plus car j'ai appris qu'il en est ainsi pour nous toutes ; à trop vouloir être  sexuée, nous en oublions d'être humaines. C'est sans doute  la malédiction  de toutes les femmes dans leur ensemble : nous avons peur de ne plus plaire, nous avons peur de perdre cette place centrale de l'absence dans les parties fines organisées  par des regards d'hommes. Nous avons peur de ce qu'il adviendra de notre corps une fois qu'il sera changé par la grossesse et par les années qui passent.

 

***

 

Mon père n'a jamais touché V., il avait l'air bien trop gêné pour être occupé à prendre son pied, à mater ou à détendre le modèle en le faisant rire comme on le voit dans les téléfilms du samedi soir. Mais tous les films du samedi soir que j'ai vu depuis lors m'ont toujours depuis ramenée à V., à ses cheveux blonds et à sa toison noire. Depuis ce jour la moindre photo que je regarde me fait penser à l'objectif de mon père braqué sur les seins de Valérie, et pour moi, chaque photographie a des airs de malédictions.

 

***

 

Tout cela se faisait de manière macabre et dans un insoutenable silence. Mon père semblait avoir une idée précise de la photographie qu'il désirait obtenir, pour tout dire la photo existait déjà dans sa tête et elle avait déjà sa place dans un magasine de nu, elle avait la place centrale et trônait au milieu un peu au dessus sur le podium, dénonçant par sa splendeur les photos moins bonnes, c'est-à-dire les filles moins belles. Dans la tête de mon père, V. je le sais, était un objet de beauté, mais V. n'était qu' un objet. Un objet que mon père en tant qu'homme mettait à la disposition d'autres hommes qui pourraient après avoir grimacé toute la journée se détendre  et se rincer l’œil, admirer une beauté consentante qui s'offrait à eux avec complaisance. Je suis sûre que mon père voulait offrir à d'autres hommes ce qu'il ne pouvait pas se permettre dans la réalité, et que par là il rendait la pareille à tous ceux qui avaient réussi  à faire se déshabiller pour lui la jeunesse et la beauté d'un corps féminin.

 

 ***

 

C'est ainsi,  pour moi les photos de femmes nues ne sont que des jeux de cartes indéfinis et infinis, elles ne sont qu'une succession de négatifs alignés les uns à côté des  autres, des cartes que les hommes se passent, se donnent, se vendent et s'échangent entre eux comme autrefois les petits garçons jouaient aux billes. Les photos de charme ne sont que des parties de poker dans lesquelles chaque homme essaie d'abattre son meilleur jeu. Ce sont des parties d'où sont exclues les femmes mais où pourtant leur image a la place centrale, être une femme c'est faire partie d'un ensemble de femmes entrant dans la catégories des " belles femmes", sinon on n'existe pas , sinon on n'est rien ni personne. 

 

***


Afin d'obtenir de V. les poses souhaitées, mon père s'approchait très près d'elle mais je l'ai dit ne la touchait jamais. Sans doute mon père était-il gêné par ma présence, jamais je ne saurai si une fois disparue derrière la porte du salon mon père a pu enfin se détendre et laisser sa main se balader un  petit peu. Je passerai ma vie à me demander si mon père a fini par peloter Valérie une fois la porte fermée.

 

***


 Mon père s'agitait dans le vide et montrait par des gestes quelle attitude V. devait adopter. Je me rappelle très bien de V. nue, pourtant, je n'ai pas osé la regarder longtemps. C'était une fille que je connaissais habillée et il me semblait qu'elle dévoilait un secret à mon père et non à moi. Dans mes yeux il y avait de la pudeur car ceux-ci n'était pas protégés par un objectif : mes yeux n'avaient pas d'excuse alors ils ne pouvaient pas regarder.  Tout du corps de V. me disait : " Vois comme je ne suis pas ta mère et comme le corps d'une femme peut servir, vois comme ce corps ne t'est pas destinée et surtout vois comme tu ne deviendras jamais, quelque chose que ton père regarde avec intérêt. Mon inconscient fit de moi alors la responsable de toute cette histoire qui me poursuivra jusqu'à mort : pour que mon père s'occupe de moi et daigne enfin me regarder, il fallait que je devienne une femme, il fallait que je devienne belle, il fallait que je l'allume. Il fallait que prévois et que j'opère pour sa chute.

 

 

***

 

J'ai jeté un bref coup d’œil en rentrant dans le salon et à daté de ce jour, c'en était fini. Une partie de ma vie de petite fille était terminée. Je savais presque tout de ce qu'il y avait à savoir, et dans le fond je pense que ce fut une bonne chose. La seule chose que je regrette c'est qu'il me semble que dans toute cette histoire, on m'a volé mon corps, la seule chose que je regrette, c'est que plus jamais je n'ai su être photographiée par mon père ni par personne d'autre sans sentir mon image se décoller de moi.

 

***


Et que faisait ma mère dans cette histoire, me direz-vous ? Ma mère, je ne sais pas. N'est-ce pas déjà beaucoup en dire que de dire d''elle n'était pas là? Singeant parfaitement la mère que V. refusa d'être pour moi, refusant de plaire à mon père et déléguant ce rôle à une autre,  ma mère avait depuis longtemps refusé  d'être la putain qui protégerait son enfant des assauts de son père. En refusant d'être putain on refuse d'être mère, voilà ce que toutes les femmes devraient comprendre. En faisant disparaître l'une des deux faces de leurs pièces, les femmes font simplement et tout bonnement disparaître l'autre, et c'est ainsi que ma mère m'abandonna complètement.


Ce jour-là  regarder mon père était la seule chose que je pouvais faire, cela me protégeait et me mettait en même temps en danger. Ce jour-là mes parents m'ont mises à l'intérieur de moi qui n'avait plus rien à faire là.

 

 


28/08/2015
0 Poster un commentaire

Toi ( 3 )

Il y a une autre énigme entre nous dont je n'ai jamais réussi a percé le mystère et cette énigme réside dans le regard de mon père. De tous les hommes que j'ai fait défiler à un moment de ma vie, tu as été le seul à le faire réagir. Ainsi lorsque j'étais avec toi, mon père disait qu'il ne me reconnaissait plus. Ce pouvoir que tu avais de faire que mon père s'intéresse à moi et me parle de sa reconnaissance m'a sans doute fait un peu plus m'accrocher à toi. Je savais que vous ne vous appréciez pas mais je voulais vous garder tous les deux dans mon cercle, parce que dans ce cercle j'étais aimée, dans ce cercle j'existais tant qu'on se battait pour moi. Lorsque pour la sixième fois, alors que j'avais 19 ans, je suis retombée dans tes bras, mon père a mis sa tête entre ses deux mains, ensuite il a geint et a levé les aux ciel en s'adressant à lui, il a prit l'attitude de ceux  qui en danger se mettent à prier alors qu'ils n'y ont jamais cru. " Qu'est-ce que j'ai fait au bon dieu ? " Demandait-il . Ce soir-là une limite était atteinte chez mon pauvre père ; il a envisagé tout haut de nous tuer toutes les trois, ma mère ma soeur et moi puis de se suicider, comme ça ce serait fini. A cette époque je pensais que tout ça c'était de sa faute, que si Dieu avait décidé de répondre aux interpellations de mon père Il aurait bien eu des choses à lui dire. Aujourd'hui je ne le pense plus. Aujourd'hui je pense juste que je ne pouvais rien contre tes bras qui m'encerclaient et me disaient enfin qu'ils m'aimaient, que devoir lutter  pour ne pas finir dans ces bras-là était trop épuisant pour moi. A un moment aussi j'ai fait intervenir Dieu dans notre histoire, au lieu de le laisser là où Il est j'ai pensé qu'il te faisait venir à moi sous forme d'épreuve, que tu étais une tentation, sans doute parce que je trouvais que tu avais la beauté du diable.

 

Tu étais une version de blanche neige au masculin. Ta peau était fort blanche face au contraste de tes cheveux noirs corbeaux qui semblaient lui faire un pied de nez. J'étais aussi fascinée par tes sourcils incroyablement bien dessinés : dans ton physique l'orient et l'occident se  mélangeaient de façon détonnante.  Je ne suis pas tout de suite tombée amoureuse de ce physique, il m'aura fallu trois semaines. Lors de nos tous premiers pas de danse je n'ai pas fait attention à ce à quoi tu ressemblais ; j'étais trop occupée de moi-même. Le fait que tu veuilles bien t'intéresser à moi était comme un miroir tendu sur mon visage et mon corps, et qui me disait " ne t'en fais pas, tu n'es pas si mal que ça ". Le fait que quelqu'un s'intéresse à moi me suffisait, ça me rendait belle. Au bout de trois semaines le fait que tu t'intéresses à moi t'avait rendu beau à mes yeux, à mes yeux tu étais le seul physique qui existait, j'ai même trouvé du charme à tes oreilles décollées, grâce à elles je te voyais venir de loin. Ensuite je me suis mise à apprécier ton allure, ta façon de marcher, la façon que tu avais de porter des cigarettes à ta bouche, de recracher la fumée puis de garder le silence. Il m'est arrivé souvent de me perdre dans le noir sans relief de tes cheveux, de m'oublier dans tes bras un peu musclés. 

 

Un jour j'ai remarqué que tu avais les yeux fort rouges, je t'ai dit alors qu'il fallait que tu fumes moins car la fumée te faisait mal aux yeux . Devant ma candeur tu as souri ; à cette époque je ne savais même pas ce qu'était un joint. Non je ne peux vraiment pas en vouloir à mon père, après tout la troisième fois que tu es réapparu dans ma vie, les prédictions de mon père se sont avérés juste : tu avais fait de la prison.

 

***


09/08/2015
0 Poster un commentaire